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Droit de suite : nullité de la clause imputant la charge définitive à l'acheteur

Affaires - Immatériel
21/04/2017
La clause des conditions générales d'une maison de ventes visant à imputer la charge définitive du droit de suite à l'acheteur est contraire aux dispositions impératives de l'article L. 122-8 du Code de la propriété intellectuelle imposant que la charge en revienne exclusivement au vendeur et doit, comme telle, être déclarée nulle et de nul effet.
 
Tel est le sens d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 24 mars 2017 sur renvoi après cassation. En effet, reprenant le principe posé par la CJUE (CJUE, 26 févr. 2015, aff. C-41/14), la Cour de cassation (Cass. 1re civ., 3 juin 2015, n° 13-12.675, P+B) avait censuré le précédent arrêt d'appel qui avait retenu que la loi nationale met clairement le paiement du droit de suite à la charge des vendeurs et n'autorise aucune dérogation par voie conventionnelle, son imputation à l'acheteur contredisant l'objectif de suppression des distorsions de concurrence poursuivi par la Directive 2001/84 du 27 septembre 2001.
 
Pour les juges versaillais, cette directive ne se prononce pas sur l'identité de la personne qui doit supporter définitivement le coût du droit de suite, l'objectif poursuivi portant sur l'indication de la personne responsable du paiement de la redevance et sur les règles visant à établir le montant de cette dernière. Or, le législateur français a clairement mis le droit de suite à la charge du vendeur et la responsabilité de son paiement, au professionnel de la vente, alors qu'il n'y était nullement contraint par la directive ; il a fait ce choix pour assainir les règles de la concurrence sur le marché national.
 
La cour relève, en outre, qu'il résulte des travaux parlementaires de l'époque que « le droit de suite est mis à la seule charge du vendeur » et que la simplicité de le principe contribuera à établir des conditions de concurrence saines entre les principales places de marché au sein de l'Union ; en outre, la faculté de prévoir des dérogations conventionnelles, bien qu'envisagée, a été écartée par le rejet d'un amendement visant à permettre des arrangements entre le vendeur et les professionnels participant à la vente, afin d'asseoir une meilleure position concurrentielle de la France.
 
Enfin, elle relève qu'une proposition de loi d'octobre 2016 vise en son article 11, à compléter le troisième alinéa de l'article L. 122-8 du Code de la propriété intellectuelle par la phrase suivante « par convention, le paiement du droit de suite peut être mis à la charge de l'acheteur », ce dont il se déduit, pour la cour d'appel, qu'en l'état actuel de la législation cet aménagement conventionnel n'est pas autorisé, la loi adoptée le 1er août 2006, revêtant un caractère impératif fondé sur un ordre public économique de direction.
 
Par Vincent Téchené
 
 
Source : Actualités du droit