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Expérimentation d’un droit de dérogation préfectoral : publication d’une instruction

Civil - Immobilier
Public - Urbanisme
16/04/2018
Une instruction explicite le dispositif expérimental permettant au préfet de déroger à certaines dispositions règlementaires dans certains domaines, tels l’aménagement, l’urbanisme, la construction et le logement.
Depuis le 1er janvier 2018 et pendant deux ans, les préfets peuvent, à titre expérimental dans certains territoires (plus particulièrement à Saint-Barthélemy et Saint-Martin), déroger à certaines dispositions réglementaires afin de faciliter la réalisation de projets publics ou privés (D. n° 2017-1845, 29 déc. 2017, JO 31 déc. ; v. aussi Expérimentation d’un droit de dérogation du préfet).

Cette faculté concerne les décisions non réglementaires relevant de leur compétence dans les sept domaines suivants : subventions, concours financiers et dispositifs de soutien en faveur des acteurs économiques, des associations et des collectivités territoriales ; aménagement du territoire et politique de la ville ; environnement, agriculture et forêts ; construction, logement et urbanisme ; emploi et activité économique ; protection et mise en valeur du patrimoine culturel ; activités sportives, socio-éducatives et associatives.

Une instruction du Premier ministre du 9 avril revient sur ce dispositif. Elle en rappelle notamment les objectifs et conditions de mise en œuvre.

La dérogation doit poursuivre l’un des trois objectifs suivants :
- alléger les démarches administratives, c’est-à-dire tout échange normé avec l'Administration, qu'il concerne les particuliers, les entreprises ou les collectivités territoriales ;
- réduire les délais de procédure ;
- favoriser l’accès aux aides publiques.

Elle doit être justifiée par deux conditions cumulatives : un motif d'intérêt général et l'existence de circonstances locales.

La circulaire précise que la mise en œuvre de ce droit de dérogation ne se traduit pas par l'édiction d'une nouvelle norme générale en lieu et place de la norme à laquelle les préfets dérogent. Il ne s'agit pas d'une délégation du pouvoir réglementaire permettant d'adapter ou de simplifier localement des normes réglementaires nationales. Ce pouvoir s'exerce « à l'occasion de l'instruction d'une demande individuelle et se traduit par la prise d'une décision au cas par cas. Il n'a pas pour objectif d'exonérer de manière durable de règles procédurales, ni de généraliser des mesures de simplification de normes ou d'accorder de manière générale et non individualisée des dérogations. En revanche, il vous permet de décider de ne pas appliquer une disposition réglementaire à un cas d'espèce, ce qui la plupart du temps devrait conduire à exonérer un particulier, une entreprise ou une collectivité territoriale d'une obligation administrative ».

Par ailleurs, le recours au droit de dérogation ne doit pas se traduire par une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé, ni contrevenir à des normes de niveau législatif ou constitutionnel ou à des engagements européens et internationaux de la France.

Concernant les sept secteurs d'activité entrant dans le champ d'application de l'expérimentation, la circulaire propose, en annexe, des exemples de procédures ou dispositifs auxquels les préfets peuvent ponctuellement déroger.

Elle précise également qu’est expressément exclue de l'expérimentation toute décision qui serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et des biens. « C'est bien la portée de la dérogation elle-même qui est ici visée, non le fait que la règlementation en cause ait ou non une incidence sur la défense ou la sécurité ».

La circulaire souligne, en outre, l’attention particulière qui doit être portée à l'analyse de la compatibilité de la dérogation envisagée avec le droit européen : « En cas de doute, vous solliciterez, par l'intermédiaire de la direction de la modernisation et de l'action territoriale (DMAT) du ministère de l’Intérieur, l'expertise de la direction d'administration centrale compétente ».

Concernant la décision de dérogation, celle-ci revêt impérativement la forme d'une décision individuelle dans la mesure où toute décision règlementaire est exclue du champ de l’expérimentation. Elle peut faire l'objet d'un arrêté spécifique, mais il est également possible qu'il en soit fait mention au sein de la décision prise au terme de la procédure réglementaire appliquée. Ces deux options dépendent des conditions dans lesquelles la dérogation intervient.
La circulaire rappelle que la décision doit être motivée en droit et par les circonstances particulières du cas d'espèce. Une attention toute particulière doit être apportée à la motivation des décisions.

Au terme de cette expérimentation, le Gouvernement procédera à un bilan qui permettra d'évaluer l'utilisation et les conséquences de ce dispositif pour, le cas échéant, décider d'une extension sur l'ensemble du territoire.
Source : Actualités du droit