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Droit d'auteur : étendue du droit d’usufruit spécial dont le conjoint survivant est titulaire

Affaires - Immatériel
02/06/2019
La Cour de cassation a rendu, le 22 mai 2019, un arrêt particulièrement intéressant en matière d’usufruit spécial du conjoint survivant et d’articulation avec le droit de tirage. 
M. X., sculpteur, est décédé laissant pour lui succéder ses trois enfants issus d’un premier mariage ainsi que sa seconde épouse.
Reprochant notamment à cette dernière d’avoir vendu, sans leur accord préalable, des tirages en bronze posthumes numérotés et d’avoir fait réaliser des tirages à partir de modèles en plâtre non divulgués, ils l’ont assignée en déchéance du droit d’usufruit spécial dont elle est titulaire en application de l’article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle et en contrefaçon.
Pour estimer que ladite épouse est en droit d’aliéner les tirages en bronze sans l’accord des nus-propriétaires en ce qui concerne l’oeuvre divulguée, l’arrêt d’appel a retenu qu’en faisant un tirage et en le vendant, l’usufruitier ne fait qu’exercer le droit d’exploitation qui lui est conféré par l’article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle.
Il est censuré au visa de ce texte au motif suivant : « en statuant ainsi, alors que le droit d’usufruit spécial dont le conjoint survivant est titulaire ne s’étend pas aux exemplaires originaux, la cour d’appel a violé le texte susvisé ». 
Pour se prononcer en ce sens, la Coude cassation a rappelé qu’aux termes de ce texte, « pendant l’année civile en cours et les soixante-dix années qui suivent le décès de l’auteur, le conjoint survivant, contre lequel n’existe pas un jugement passé en force de chose jugée de séparation de corps, bénéficie, quel que soit le régime matrimonial et indépendamment des droits qu’il tient des articles 756 à 757-3 et 764 à 766 du code civil sur les autres biens de la succession, de l’usufruit du droit d’exploitation dont l’auteur n’aura pas disposé ».
Elle a rappelé également que « selon une jurisprudence constante (1re Civ., 18 mars 1986, n° 84-13.749, Bull. 1986, I, n° 71 ; 1re Civ., 13 octobre 1993, n° 91-14.037, Bull. 1993, I, n° 285 ; 1re Civ., 4 mai 2012, n° 11-10.763, Bull. 2012, I, n° 103), les épreuves en bronze à tirage limité coulées à partir du modèle en plâtre ou en terre cuite réalisé par le sculpteur personnellement doivent être considérées comme l’oeuvre elle-même émanant de la main de l’artiste ; qu’en effet, par leur exécution même, ces supports matériels, dans lesquels l’oeuvre s’incorpore et qui en assurent la divulgation, portent l’empreinte de la personnalité de l’auteur ; que, dès lors, dans la limite de douze exemplaires, exemplaires numérotés et épreuves d’artiste confondus, ils constituent des exemplaires originaux et se distinguent d’une simple reproduction ; il en résulte que les tirages en bronze numérotés ne relèvent pas du droit de reproduction, de sorte qu’ils n’entrent pas dans le champ d’application de l’usufruit du droit d’exploitation dont bénéficie le conjoint survivant ».
Sur le présent arrêt, voir comm. Noual P., in RLDI 2019/160, à paraître.
Source : Actualités du droit