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Donation avant cession de titres : appréciation des conditions de caractérisation d’un abus de droit

Civil - Personnes et famille/patrimoine
13/06/2018
La DGFiP vient de publier et commenter deux avis rendus par le Comité de l’abus de droit fiscal (CADF), sur l’appréciation de la fictivité de l’opération de donation avant cession.

Pour mémoire, la donation intervenant avant la cession de valeurs mobilières ou de biens immobiliers a pour effet de gommer les plus-values latentes. Cette opération qui conduit à l’acquittement seulement de droit de mutation à titre gratuit (DMTG) et consolide les plus-values latente en franchise d’impôt, a été validée par le Conseil d’État (CE, 8e et 3e sous-sections réunies, 30 déc. 2011, n° 330940, réitéré par un autre arrêt identique : CE, 9 avr. 2014, n° 353822). En revanche des conditions ont été posées à la validité de l’opération :

– la cession ne doit pas être juridiquement intervenue avant la donation ;

– le donateur ne doit pas reprendre la libre disposition des fonds provenant de la vente après la cession des biens donnés.

Pour que l’abus soit écarté, la donation doit être sincère et produire tous ses effets.

Pour aller plus loin voir le Lamy Droit des régimes matrimoniaux, successions et libéralités n° 382-75.

C’est sur le ce second point que le CADF a été saisi pour avis.

Dans la première affaire (n° 2017-37) soumise au CADF, deux époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens. En 2004, l’époux acquiert 22 335 action de la SA A pour la modique somme globale de 447 euros.

En 2012, il fait donation de 22 333 action à son épouse. Un mois plus tard, l’épouse cède l’intégralité des actions à la SARL B. Or, non seulement l’époux est le gérant de la SARL B mais il détient de surcroît 99,80 % du capital de la société C (dont il est également le dirigeant) qui elle-même est titulaire de 44,67 % des parts de la SARL B.

Pour clore l’opération, l’époux a cédé ses deux dernières actions de la SA A à la SARL B pour 32 euros. In fine, donc la SARL B est devenue propriétaire de l’ensemble des actions de la SA A.

Comptablement, l’administration fiscale a observé des flux financiers entre les deux époux, à la suite de la cession des actions de l’épouse en faveur de la SARL B.

L’épouse avait perçu au titre de la cession un premier virement de 100 507 euros et un second de 171 000 euros. Quelques jours après le premier virement, l’épouse a versé 35 000 euros sur un compte ouvert au nom de l’époux et pareillement pour le second virement, l’intégralité a été versé sur ledit compte, soit 171 000 euros.

L’administration fiscale a mis en œuvre la procédure d’abus de droit fiscal et le CADF a validé son raisonnement, eu égard à la réappropriation d’une partie des sommes et l’absence de dépouillement effectif, il a constaté le caractère fictif de la donation.

Dans la seconde affaire (n° 2017-38), deux époux sont titulaires de 80 % du capital d’une SAS (soit 160 parts) pour l’époux et de 20 % pour l’épouse (soit 40 parts).

L’époux fait donation de 14 parts à son épouse, et le même jour, il fait donation de 53, en pleine propriété, à ses enfants, et l’épouse transmet également 40 parts.

L’ensemble de ces transmissions s’opérant en franchise d’impôt, eu égard aux articles 790 E du CGI et 779 du même code. In fine, l’époux se trouve titulaire de 93 parts, l’épouse de 14 et les enfants, en indivision sur 93 parts.

Quelques mois plus tard, la SAS a souscrit à une augmentation de capital, par incorporation de réserves. Les parts ont, par la suite, été cédées à une SARL.

Le produit de la vente a été distribué à proportion des parts détenues par chacun des membres de la famille et à ce titre a été ouvert un compte pour l’indivision entre les enfants.

Les enfants ont ensuite constitué une SCI avec apport en numéraire de 400 000 euros prélevés sur le compte d’indivision et de 100 000 euros versés par les parents. La SCI a conclu avec la société D (constituée le même jour) un contrat obligataire, par le biais duquel elle emprunte l’intégralité de l’apport au taux d’intérêt de 10 %. Or l’administration fiscale a constaté que les obligations majorées des intérêts ont directement été remboursées aux époux par le biais d’un chèque.

Ladite somme ayant été par la suite employée au remboursement d’un emprunt souscrit pour l’acquisition d’une résidence secondaire.

La procédure d’abus de droit a été actionnée, ce qui a été validé par le CADF, estimant qu’il y avait bien eu réappropriation des sommes par les époux.

Source : Actualités du droit