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Obligations d’information et de conseil du banquier prestataire de services d’investissement

Affaires - Banque et finance
03/07/2018
Dans un arrêt rendu le 20 juin 2018, la chambre commerciale de la Cour de cassation précise les périmètres des obligations d'information et de conseil du banquier prestataire de services d'investissement.
En l’espèce, pour couvrir le risque d'augmentation du taux d'intérêt, stipulé variable, à partir duquel était calculé le montant des loyers du crédit-bail immobilier qu'elle avait souscrit pour financer la construction d'un bâtiment, une société a conclu avec une banque un contrat d'échange de conditions d'intérêts (le contrat de « swap ») prévoyant, sur le même montant, l'échange d'un taux Euribor 3 mois payé par la banque contre un taux fixe de 4,06 % payé par la société cliente. Estimant que la banque avait, à cette occasion, manqué à son obligation d'information et à son devoir de conseil, la cliente l'a assignée en paiement de dommages-intérêts.

Obligation d'information

Concernant l’obligation d’information, la Cour de cassation relève que « l'information délivrée par le banquier prestataire de services d'investissement doit être objective, suffisante et compréhensible, afin de permettre à son client de comprendre la nature du service d'investissement et du type spécifique d'instrument financier proposé, ainsi que les risques y afférents, et de prendre sa décision en toute connaissance de cause ».

La cour d'appel (CA Bourges, 4 juin 2015, n° 14/00891) a pu retenir d’un ensemble d’éléments de faits que la banque avait manqué à son obligation d'information, sans avoir à constater que cet établissement de crédit avait connaissance au moment de la conclusion du contrat de « swap » de la baisse des taux d'intérêts.

Obligation de conseil

Ensuite, concernant l’obligation de conseil, la cour rappelle d’abord que le banquier prestataire de services d'investissement n'est pas, en cette seule qualité, tenu d'une obligation de conseil à l'égard de son client. Mais elle précise toutefois que lorsque, à la demande de celui-ci ou spontanément, il lui recommande un service ou un produit et lui prodigue ainsi un conseil, le banquier est tenu de le faire « avec pertinence, prudence et loyauté, en s'enquérant de ses connaissances, de son expérience en matière d'investissement, ainsi que de sa situation financière et de ses objectifs, afin que l'instrument financier conseillé soit adapté ».

L’arrêt d’appel a ainsi pu déduire, également d’un ensemble d’éléments de faits, qu'au regard du contrat de crédit-bail, que la banque connaissait parfaitement, et de la situation et des besoins de sa cliente, qu'elle connaissait tout autant, la banque a commis une faute en recommandant la souscription du « swap » litigieux.

Réparation du préjudice

Si la Cour de cassation approuve les juges d’appel d’avoir retenu que la banque avait manqué à son obligation d’information et de conseil, elle censure toutefois l’arrêt d’appel sur la réparation du préjudice.

En effet, la cour d’appel a tenu pour certain qu'informée de la possibilité de conclure un contrat de « cap » pour couvrir son risque de taux, la cliente aurait souscrit ce type d'instrument financier au lieu du « swap » qui lui était conseillé. La Cour de cassation retient cependant qu’elle aurait tout aussi bien pu décider de ne pas souscrire de contrat de couverture ou privilégier une autre formule. Ainsi, la cour d'appel, qui a estimé que le préjudice est égal à la différence entre les sommes payées en exécution du contrat de « swap » et le coût d'un instrument favorable tel que le « cap », n'a pas mesuré le préjudice à la chance perdue d'éviter le dommage qui s'est réalisé, mais l'a réparé dans son intégralité.

Par Vincent Téchené
Source : Actualités du droit