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QPC sur l'absence d’obligation d’information du curateur ou tuteur lors du placement d’un majeur protégé en garde à vue

Civil - Personnes et famille/patrimoine
Pénal - Procédure pénale
03/07/2018
Dans un arrêt rendu le 19 juin 2018, la chambre criminelle de la Cour de cassation renvoie au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur l'absence d’obligation d’information du curateur ou tuteur lors du placement d’un majeur protégé en garde à vue.
« L’article 706-113 du code de procédure pénale, en ce qu’il limite l’obligation faite au procureur de la République ou au juge d’instruction d’aviser le tuteur ou le curateur ainsi que le juge des tutelles à la seule hypothèse de l’engagement de poursuites à l’encontre de la personne protégée, sans étendre cette obligation au placement d’une personne protégée en garde à vue, méconnaît-il les droits et libertés constitutionnellement garantis, et plus particulièrement l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 ? ». Il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée. C’est en ce sens que s’est prononcée la Cour de cassation, aux termes d’une décision rendue le 19 juin 2018.

En effet, la Cour de cassation a estimé que la question posée présentait un caractère sérieux. Pour ce faire, elle a relevé que l'article 706-113 du code de procédure pénale ne prévoit pas que l'officier de police judiciaire, ou l'autorité judiciaire sous le contrôle de laquelle se déroule cette période de privation de liberté, ait l'obligation, même lorsqu'il a connaissance de la mesure de protection légale dont fait l'objet la personne gardée à vue, de prévenir le tuteur ou le curateur de celle-ci de sa situation. Il peut donc en résulter, si la personne gardée à vue s'abstient de demander que son tuteur ou curateur soit informé de la mesure, ou s'y oppose, qu'elle opère des choix, tels qu'ils sont prévus par les articles 63-2 et suivants du Code de procédure pénale, notamment au regard de ses droits de défense, contraires à ses intérêts.

Possible atteinte aux droits de la défense

La Cour de cassation rappelle que la loi n° 2007-308 du 5 juin 2007, portant réforme de la protection juridique des majeurs, confère, de droit, au mandataire désigné, la mission de veiller, non seulement aux intérêts patrimoniaux de la personne protégée, mais également à la protection de sa personne, à laquelle doit être rattachée la défense contre une accusation de nature pénale. Elle ajoute que la vérification, par le tuteur ou curateur, de ce que l'assistance du majeur protégé par un avocat sera assurée durant la garde à vue, ou que le refus, par ce majeur, d'une telle assistance est dépourvu d'équivoque, entre à l'évidence dans sa mission, s'il est informé de la mesure de garde à vue.

La cour en déduit que la disposition critiquée est susceptible de porter aux droits de la défense garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen une atteinte non proportionnée au but de sauvegarde de l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions poursuivi par le législateur.

Par Anne-Lise Lonné-Clément
Source : Actualités du droit