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Les conditions d’exercice du droit d’opposition précisées par le Conseil d’État

Affaires - Immatériel
08/04/2019
Le Conseil d’État a précisé dans un arrêt du 18 mars 2019 la notion d’intérêt légitime qui conditionne le droit d’une personne à s’opposer à ce que ses données personnelles soient traitées. 
La requérante s’est opposée le 18 octobre 2010, sur le fondement de l’article 38 de la loi du 6 janvier 1978, à la collecte et au traitement, dans la "base élèves premier degré" (BE1D) et la "base nationale identifiant élève" (BNIE), de données relatives à ses enfants scolarisés dans une école primaire du 18e arrondissement de Paris. Sa demande a été rejetée par une décision du 24 novembre 2010 de l’inspecteur d’académie, directeur des services départementaux de l’éducation nationale en charge du premier degré, confirmée par une décision du 25 mars 2011 prise par la même autorité en réponse à un recours hiérarchique adressé au recteur de l’académie de Paris.

Elle s'est pourvue en cassation contre l’arrêt du 25 octobre 2016 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a, d’une part, jugé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur ses conclusions tendant à l’annulation de ces deux décisions en tant qu’elles concernent la "Base élèves premier degré" et, d’autre part, après avoir annulé pour irrégularité le jugement du 12 juillet 2013 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande d’annulation de ces deux décisions en tant qu’elles concernent la "base nationale identifiant élève", a rejeté les conclusions tendant à l’annulation dans cette mesure de ces décisions.

Le Conseil d’État rappelle que « l’article 6 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés dispose, dans sa rédaction applicable au litige, que : Un traitement ne peut porter que sur des données à caractère personnel qui satisfont aux conditions suivantes :/ 1° Les données sont collectées et traitées de manière loyale et licite ; / 2° Elles sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités (…) ;/ 3° Elles sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs ;(…) 5° Elles sont conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée qui n’excède pas la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées ».

Il rappelle également que son article 38 dispose que « toute personne physique a le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement./ Elle a le droit de s’opposer, sans frais, à ce que les données la concernant soient utilisées à des fins de prospection, notamment commerciale, par le responsable actuel du traitement ou celui d’un traitement ultérieur./Les dispositions du premier alinéa ne s’appliquent pas lorsque le traitement répond à une obligation légale ou lorsque l’application de ces dispositions a été écartée par une disposition expresse de l’acte autorisant le traitement ». Il ajoute que « L’article 97 du décret du 20 octobre 2005 pris pour l’application de cette loi précise que "le responsable du traitement auprès duquel le droit d’opposition a été exercé informe sans délai de cette opposition tout autre responsable de traitement qu’il a rendu destinataire des données à caractère personnel qui font l’objet de l’opposition" ».

Il considère qu’il résulte de ces dispositions que « le droit qu’elles ouvrent à toute personne physique de s’opposer pour des motifs légitimes à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement est subordonné à l’existence de raisons légitimes tenant de manière prépondérante à sa situation particulière. En relevant, sans se méprendre sur la portée des écritures de la requérante, que, pour faire opposition au traitement des données concernant ses enfants, Mme A se bornait à invoquer des craintes d’ordre général concernant notamment la sécurité du fonctionnement de la base, sans faire état de considérations qui lui seraient propres ou seraient propres à ses enfants, pour en déduire qu’elle ne justifiait pas de motifs légitimes de nature à justifier cette opposition, en application de l’article 38 de la loi du 6 janvier 1978, la cour administrative d’appel n’a pas entaché son arrêt d’erreur de droit ».

On rappellera que si l’article 38 de la loi "Informatique et libertés", dans sa version applicable au présent litige, prévoit que toute personne a le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, au traitement des données la concernant, l’article 21 du règlement européen sur la protection des données (RGPD) stipule que « la personne concernée a le droit de s’opposer à tout moment, pour des raisons tenant à sa situation particulière, à un traitement des données à caractère personnel la concernant ».
Source : Actualités du droit