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La semaine du droit immobilier

Civil - Immobilier
20/01/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit immobilier, la semaine du 13 janvier 2020. 
 
Action récursoire – constructeur – prescription quinquennale
« Selon l’arrêt attaqué (Riom, 5 mars 2018), que la SNC Finance Plus a entrepris la construction d’un immeuble ; que sont intervenus à l’opération de construction M. X, architecte, et M. Y, carreleur, assuré en garantie décennale par la société MAAF assurances (la MAAF) ; que, le 23 décembre 1999, les travaux ont été réceptionnés ; que, se plaignant de l'absence de dispositif d'évacuation des eaux pluviales sur la terrasse d’un appartement et de l'existence de traces sur certaines façades de l'immeuble, le syndicat des copropriétaires de la résidence les A (le syndicat) a assigné, le 17 décembre 2009, M. X, le 28 décembre 2009, M. de Y et, le 25 janvier 2010, la MAAF, en référé expertise ; que, par ordonnance de référé du 9 février 2010, un expert a été désigné ; que, par acte du 11 décembre 2013, le syndicat a assigné M. X en indemnisation ; que, par actes des 10 et 12 juin 2014, M. X a appelé en garantie M. Y et la société MAAF ;
Pour déclarer cette action en garantie prescrite, l’arrêt retient que, selon l'article 1792-4-3 du Code civil, la prescription de dix ans à compter de la réception s'applique aux recours entre constructeurs fondés sur la responsabilité contractuelle ou quasi-délictuelle, que la réception des travaux est intervenue le 23 décembre 1999 et que M. Y a été assigné en référé le 28 décembre 2009 et la MAAF le 25 janvier 2010, soit postérieurement à l'expiration du délai décennal ;
 
Le recours d'un constructeur contre un autre constructeur a pour objet de déterminer la charge définitive de la dette que devra supporter chaque responsable ;
La Cour de cassation a jugé qu’une telle action, qui ne peut être fondée sur la garantie décennale, est de nature contractuelle si les constructeurs sont contractuellement liés et de nature quasi-délictuelle s'ils ne le sont pas (3e Civ., 8 février 2012, pourvoi n° 11-11.417, Bull. 2012, III, n° 23) ;
Le délai de la prescription de ce recours et son point de départ ne relèvent pas des dispositions de l’article 1792-4-3 du Code civil ; qu’en effet, ce texte, créé par la loi du 17 juin 2008 et figurant dans une section du Code civil relative aux devis et marchés et insérée dans un chapitre consacré aux contrats de louage d’ouvrage et d’industrie, n’a vocation à s’appliquer qu’aux actions en responsabilité dirigées par le maître de l’ouvrage contre les constructeurs ou leurs sous-traitants ; qu’en outre, fixer la date de réception comme point de départ du délai de prescription de l’action d’un constructeur contre un autre constructeur pourrait avoir pour effet de priver le premier, lorsqu’il est assigné par le maître de l’ouvrage en fin de délai d’épreuve, du droit d'accès à un juge ; que, d’ailleurs, la Cour de cassation a, dès avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, jugé que le point de départ du délai de l’action d’un constructeur contre un autre constructeur n’était pas la date de réception de l’ouvrage (3e Civ., 8 février 2012, pourvoi no 11-11.417, Bull. 2012, III, n° 23) ;
Il s’ensuit que le recours d’un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève des dispositions de l’article 2224 du Code civil ; qu’il se prescrit donc par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ;
La Cour de cassation a jugé que l'assignation en référé-expertise délivrée par le maître de l'ouvrage à l'entrepreneur principal met en cause la responsabilité de ce dernier et constitue le point de départ du délai de son action récursoire à l'encontre des sous-traitants (3e Civ., 19 mai 2016, pourvoi n° 15-11.355) ;
En déclarant l’action prescrite, après avoir constaté que M. X, assigné en référé-expertise le 17 décembre 2009, avait assigné en garantie M. Y et son assureur les 10 et 12 juin 2014, la cour d’appel a violé le premier texte susvisé, par fausse application, et le second, par refus d’application ».
Cass. 3e civ., 16 janv. 2020, n° 18-25.915, P+B+R+I *
 
Construction immobilière – prescription – acte interruptif
« Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 28 juin 2018), que, par contrat du 7 novembre 2000, la société Silos brestois (société Sica Silo) a confié à la société Le Bâtiment clef en main (société BCM) la rénovation de la couverture d'un bâtiment de stockage ; que la pose des plaques de couverture en fibre ciment a été sous-traitée à la société Bihannic, qui s'est approvisionnée auprès de la société Etablissements Tanguy et compagnie (société Tanguy), assurée auprès de la société MMA IARD (société MMA) ; les travaux ont été réceptionnés le 29 juin 2001 ; que, les 10 et 11 mai 2007, lors d'une tempête, plusieurs plaques de la couverture se sont envolées et des fissures ont été révélées sur certaines de celles restées en place ; que, le 4 juillet 2007, la société Sica Silo a assigné en référé expertise les sociétés Bihannic et Tanguy ; que la société MMA, assureur de la société Tanguy, est intervenue volontairement ; qu'une ordonnance de référé du 24 juillet 2007 a prescrit une mesure d'expertise ;
Le 7 décembre 2007, la société Sica Silo a assigné en ordonnance commune la Société brestoise de stockage (société Sobrestock), locataire exploitant le bâtiment litigieux ; qu'une ordonnance de référé du 21 janvier 2008 a déclaré les opérations d'expertise communes à la société Sobrestock ; que, le 24 juillet 2008, la société Sobrestock a assigné en ordonnance commune la société Union armoricaine de transports (UAT), chargée des opérations de manutention des marchandises stockées dans le bâtiment ; qu'une ordonnance du 5 août 2008 a déclaré les opérations d'expertise communes à la société UAT ; que, les 17 et 22 septembre 2014, les sociétés Sobrestock et UAT ont assigné les sociétés Bihannic et Tanguy et son assureur, la société MMA, en réparation de leurs préjudices l'action de l'article 2270-2, devenu 1792-4-2, du Code civil, réservée au maître de l'ouvrage, n'est pas ouverte aux tiers à l'opération de construire, qu'aux termes de l'article 2270-1 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation, que, selon l'article 2224 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer et que, selon l'article 26, II, de cette même loi, les dispositions qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que, les 10 et 11 mai 2007, plusieurs plaques de couverture se sont envolées lors d'une tempête et des fissures ont été révélées sur certaines d'entre elles restées en place, que la seule assignation délivrée par les sociétés Sobrestock et UAT à la société Bihannic date du 22 septembre 2014 ; qu'il s'en déduit qu'en l'absence d'acte interruptif ou suspensif de prescription, une telle action, engagée après le 19 juin 2013, est prescrite ; que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
 
Ayant relevé, par motifs propres et adoptés, qu'aucun acte interruptif de prescription n'avait été accompli par les sociétés Sobrestock et UAT contre les sociétés Tanguy et MMA avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 et que les assignations en ordonnance commune des 7 décembre 2007 et 24 juillet 2008 n'étaient pas dirigées contre la société Tanguy, la cour d'appel en a déduit à bon droit que l'action indemnitaire engagée par les assignations délivrées les 17 et 22 septembre 2014 était prescrite ».
Cass. 3e civ., 16 janv. 2020, n° 18-21.895, P+B+R+I *
 
Construction – besoin social impérieux – zone inondable
« Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 octobre 2018), Mme X est propriétaire d’un terrain sur lequel était édifié un pavillon d’habitation qui, le 18 juin 2006, a été détruit par un incendie.
Souhaitant procéder à la reconstruction du pavillon, Mme X a présenté trois demandes de permis de construire qui ont été respectivement rejetées le 12 mars, le 16 mai et le 7 septembre 2007.
Mme X ayant, néanmoins, entrepris la reconstruction de sa maison, la commune de Montévrain l’a assignée le 28 octobre 2014 en démolition.
 
Ayant retenu qu’il existait un besoin social impérieux de préserver la sécurité des personnes exposées à un risque naturel d’inondation et d’éviter toute construction nouvelle ou reconstruction à l’intérieur des zones inondables soumises aux aléas les plus forts, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision d’ordonner la démolition ».
Cass. 3e civ., 16 janv. 2020, n° 19-13.645, P+B+I *
 
Démolition – respect de la vie privée et familiale et du domicile – proportionnalité
« Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 novembre 2018), rendu en référé, Mme X est propriétaire d'une parcelle cadastrée AK AA et située à Chelles, qu’elle a reçue en donation en avril 2004. Se plaignant de divers aménagements réalisés sur ce terrain, classé en zone naturelle par le plan local d’urbanisme, et de la construction d’un chalet en bois où Mme X réside avec M. Y et leurs enfants communs, la commune de Chelles les a assignés en référé pour obtenir la démolition des constructions et l’expulsion des occupants.
 
Vu l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Aux termes de ce texte :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ».
 
Pour accueillir la demande de démolition, l'arrêt retient que le droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile ne fait pas obstacle à la protection de l’environnement assurée par des dispositions d’urbanisme impératives destinées à préserver l’intérêt public de la commune et de ses habitants, que les droits fondamentaux invoqués par Mme X et M. Y ne sauraient ôter au trouble que constitue la violation réitérée et en toute connaissance de cause des règles d’urbanisme en vigueur son caractère manifestement illicite et que les mesures de démolition et d’expulsion sollicitées sont proportionnées au droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile de Mme X et M. Y, l’expulsion devant s’entendre des constructions à vocation d’habitation édifiées sur la parcelle AK AA et non de l’ensemble de la parcelle puisque Mme X en est propriétaire.
En se déterminant ainsi, par un motif inopérant tiré de ce que la mesure d’expulsion ne concerne que les constructions à usage d’habitation, sans rechercher concrètement, comme il le lui était demandé, si les mesures ordonnées étaient proportionnées au regard du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile de Mme X et de M. Y, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ».
Cass. 3e civ., 16 janv. 2020, n° 19-10.375, P+B+I *
 
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 20 février 2020
 
Source : Actualités du droit